Déchirure [Hina]

Yuriko entraina son amie Hina dans Tokyo Gakuen. Les deux Missys défilèrent dans les couloirs, les élèves les laissant passer, le regard interrogateur. La jeune fille ne se préoccupa aucunement de ces curieux, se concentrant plutôt sur les évènements en rapport avec son amie. Son emprise sur le poignet d'Hina se fit plus présente. La Missy ne comprenait pas les changements comportementaux de celle qu'elle pensait connaitre. Visiblement, cette dernière gardait encore quelques secrets.

Yuriko pressa le pas à l'approche du lieu qu'elle convoitait. Elle attrapa la clé qu'elle gardait toujours dans la poche de sa jupe courte et s'empressa d'ouvrir la porte. Une fois à l'intérieur de la salle secrète des MThree, la jeune fille relacha Hina.

La salle des Missys se situait dans la partie désaffectée de l'établissement. Les trois amies avaient adopté ce lieu délabré et l'avait complètement réaménagé à leur goût. La pièce qui avant était peu acceuillante, était devenu, grâce aux soins prolongés des Missys, un lieu agréable et reposant. Le Missy's Hall était leur jardin secret, qu'elles devront bientôt quitter.

Yuriko se dirigea vers la fenêtre et sans un regard pour son amie Hina, elle commença à parler :

"- Je m'étais inquiétée pour toi, hier soir."

Yuriko pivota vers Hina. Bras croisés, elle attendit que son amie dise quelque chose. Mais elle ne dit rien. Agacée, la jeune fille reprit :

"- Au bal ! Tu avais l'air si triste et mal en point quand tu es sorti de je ne sais où, entrainée par Okamoto-san."

Toujours aucune réaction. Yuriko tapota la table de ses longs doigts. Qu'était en train de faire Hina ? La jeune fille restait là, muette, face à l'inquiétude mêlée à la colère qu'exprimait Son amie Yuriko.

Yuriko s'avança au milieu de la pièce. Elle avait envie de secouer Hina. Elle se fichait tant que ça de l'angoisse qu'avait éprouvé son amie ? Elle s'était inquiétée, avait apelé sans obtenir de réponse, sans même qu'Hina la recontacte. Tout ça, ça lui était égal ?

Yuriko commençait à fulminer.

"- C'est à n'y rien comprendre. Je t'ai vu si dépitée, visiblement à cause d'Okamoto-san. Et là ! Je te vois pendue à son bras, complètement envahie d'amour ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi tu n'as pas pris la peine de me rappeler hier ?"

Agacée, Yuriko s'asseya sur le canapé. La jeune fille croisa les jambes et se détourna de son amie. Elle savait ce qui était en train de se passer et c'était précisement ce qu'elle ne voulait pas qu'il se produise. Hina était amoureuse. Yuriko connaissait la douloureuse histoire de son amie. Elle savait qu'Hina, amoureuse, se donnait entièrement à l'être aimé. Et c'était là le danger. De plus, se donner à Okamoto Yutaro était dangeureux. Très dangeureux.

Okamoto Yutaro ... Il fallait que Yuriko arrête cette idylle. Quitte à entrer en guerre avec son amie.

Les talons des deux Missys claquaient dans les couloirs de Tokyogakuen. D'une démarche assurée, Yuriko entraînait son amie vers ce qu'Hina pensait être leur endroit à elles. Le Missy's Hall. Les quelques élèves qui les croisaient les regardaient avec un air surpris et curieux, sans vraiment trop comprendre la précipitation des jeunes filles. Les pensées d'Hina ne quittaient cependant pas Yuriko. Elle se demandait ce que son amie lui voulait si empressement, mais une autre chose aussi la rendait perplexe. Elle avait trouvé étrange le comportement de Yuriko, dès l'arrivée de Shohei. En fait, leurs regards échangés n'avaient pas échappé à la Missy qui ne comprenait plus. Il s'était passé quelque chose, sans aucun doute...

Une fois entrées dans leur repère, Hina devina que ce n'était pas là le sujet que voulait aborder son amie. L'air contrarié qu'elle affichait dans son regard se confirma avec ses dires :

Je m'étais inquiétée pour toi, hier soir.

Hina ne répondit pas. Elle ne savait ni quoi ni comment répondre. Ce pourquoi Yuriko enchaîna d'un air agacé, les bras croisés :

Au bal ! Tu avais l'air si triste et mal en point quand tu es sorti de je ne sais où, entrainée par Okamoto-san.

Okamoto-san... Yutaro. C'était donc là que Yuriko avait décidé d'injecter son venin ? Même si ses paroles restaient pour le moment sans aucune animosité envers le Takara, Hina devinait qu'elle ne tarderait plus à révéler le fond de sa pensée. Son air grave et ennuyé le prouvait et Hina connaissait bien son amie. Cette discussion allait virer sur des pentes glissantes. Hina s'y était préparée au moment où elle s'était liée à Yutaro. En plus des Takara, les Missys ne verraient sûrement pas cette relation d'un bon oeil. Au contraire...

Ainsi, Yuriko l'avait vue au bal... elle avait remarqué toute cette scène. Hina ne répondait toujours rien. Elle ne savait quoi dire. Oui, Yuriko avait raison... Pour l'instant. La Missy s'avanca au milieu de la grande pièce et poursuivit d'un ton de plus en plus emporté :

C'est à n'y rien comprendre. Je t'ai vu si dépitée, visiblement à cause d'Okamoto-san. Et là ! Je te vois pendue à son bras, complètement envahie d'amour ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi tu n'as pas pris la peine de me rappeler hier ?

En plus du précédent imprudent qui s'était occupé de deverser ses paroles blessantes à l'encontre de Yutaro dans le hall, Hina découvrait que cet élève n'était pas le seul à penser ainsi. Car si Yuriko n'était pas claire dans ses reproches, la jeune fille devinait bien que par là, elle pensait aussi à cette relation comme à un jeu provoqué par le Prince. Alors, personne ne prenait cela au serieux... L'idée que Yuriko craigne cette relation plutôt qu'elle ne la juge effleura l'esprit d'Hina.

Alors qu'un silence pesant s'installait, la Missy se décida à parler d'une voix basse :

Yuriko... Gomenasai. J'aurais dû t'appeler et je le regrette sincèrement...

En disant ces paroles, Hina planta un regard franc dans celui de son amie. Elle ne souhaitait pas qu'il y ai de malentendu sur ce sujet. Si la jeune fille n'avait pas répondu, ce n'était ni par provocation, ni par indifférence. Seulement, Yutaro lui avait fait oublié le temps d'une soirée tout le reste... ses amis, Tokyogakuen et ses élèves... tout. La soirée avait été mouvementée, entre bal et agression, et Hina en avait oublié le reste. Cependant, elle ne souhait pas révéler ce dernier point à son amie. Elle ne voulait pas inquiéter Yuriko avec cette histoire vieille d'un an. Ce pourquoi elle se contenta de continuer d'une voix adoucie :

Ano... je n'avais pas les idées à parler, simplement. Je suis désolée. Et concernant Yutaro-san... il ne m'a pas fait de mal. Tu ne dois pas t'inquieter de ça, Yuriko. Je vais très bien.

Hina ne voulait pas révéler le réel attachement qui la reliait au Trésor. Pas maintenant. Elle voulait d'abord connaître les vraies pensées de Yuriko. De plus, cette dernière avait parfaitement compris ce qui se tramait dans la tête d'Hina. Cependant, la Missy se demandait encore ce qu'il s'était passée entre Yuriko et Shohei... elle esperait en apprendre davantage, même si elle savait que certains regards n'avaient pu la tromper. Si le moindre sentiment rattachait Yuriko au Takara, la Missy avait-elle encore le droit de lui reprocher sa relation avec Yutaro ?

Hina fixait toujours Yuriko, une étincelle de tristesse dans les yeux. Elle tenait à son amie, et si elle-même se détournait d'Hina dans ce moment où elle avait si besoin de son soutien, la jeune fille se sentirait perdue, détruite.

Assise sur le canapé, le dos tourné à son amie, Yuriko observait les murs de la pièce. Comment les deux jeunes filles avaient fait pour en arriver là ? De loin, elle entendit les excuses d’Hina. Ecoutant d’une oreille distraite les propos de la jeune fille derrière elle, Yuriko restait distraite et plongée dans sa rêverie. Elle sentait la Missy peu à peu s’éloigner d’elles, se rapprochant de lui. Elle ne pouvait le supporter. Au fond, Yuriko était un peu comme Shohei. Le désir fou de possession des êtres chers. Elle ne pouvait supporter qu’elle s’éloigne d’elle. Encore une fois … Mais par-dessus tout, elle ne pouvait s’imaginer son amie souffrir comme elle avait souffert, sans rien y faire. Cette fois-ci, la jeune demoiselle voulait agir, voulait la réveiller, même si elle devait empoigner la manière forte.

« - Ano... je n'avais pas les idées à parler, simplement. Je suis désolée. Et concernant Yutaro-san... il ne m'a pas fait de mal. Tu ne dois pas t'inquiéter de ça, Yuriko. Je vais très bien. »

Yuriko exprima un léger souffle d’indignation. Ne pas s’inquiéter ? C’était trop fort. C’était elle qui ne donnait pas de nouvelles, elle qui s’embarquait dans des histoires d’amours douloureuses, et il fallait que Yuriko ne s’inquiète pas ?

Yuriko se retourna vers Hina et la fixa de ses grands yeux clairs. Toujours assise, elle foudroya l’espace d’un instant son amie. Son regard se radoucit pourtant, presque instantanément, s’imprégna de tristesse. Est-ce qu’Hina voulait l’éloigner, en lui soutenant de ne pas s’inquiéter pour elle ? N’était-ce pas le rôle des amies de s’inquiéter de la vie de leurs amis, quand il y avait matière à le faire ?

« - Tu me demandes beaucoup, Hina. Ne pas m’inquiéter pour toi ? Comme si c’était possible. Avec Okamoto qui plus est. »

Yuriko se tut. Elle ne voulait pas se montrer méchante envers le Trésor, d’autant plus qu’elle les respectait, plus que quiconque. Mais hier soir, pendant un moment, la Missy avait éprouvait de la haine envers le Trésor, en voyant le visage effondré de son amie. Cette peine, ce déchirement, mais surtout cet effondrement qu’elle avait vu sur elle, avait profondément touché la cruelle. Elle savait Hina sensible, surtout en amour. Elle savait qu’elle ne pouvait la comprendre. Elle qui ne comprenait déjà pas les sentiments amoureux qui pouvaient lier aussi fort des êtres qui se déchirent par la suite. Mais ce qu’elle savait, c’est que jamais elle ne laisserait Hina refaire les mêmes erreurs. Le même parcours. Jamais.

« - Redescends sur terre Hina. Voyons, nous parlons d’Okamoto Yutaro, le Rokou Takara qui aime jouer avec les autres. Hina, ne me fait pas croire que tu es aussi ignorante et naïve que ça, pour te laisser berner. »

Yuriko se leva. Elle voyait bien ce que ses mots provoquaient sur son amie. Mais elle se devait de faire ce travail pour sortir Hina de l’eau. La jeune fille ne doutait pas des sentiments que le Trésor éprouvait à l’égard de son amie. De ses sentiments sur l’instant. Quand sera-t-il lorsque l’Okamoto que tous craignait referait surface ? Quand sera-t-il lorsque le choix entre son si précieux statut de privilégié et son amour pour Hina entrera dans la balance ? Quand sera-t-il de son amie si le Trésor la faisait souffrir ?

Yuriko fixait toujours Hina. L’idée qu’il se passait, à peu de chose près, la même chose entre elle et Shohei, l’effleura. Les deux jeunes gens avaient aussi vu leur relation évoluer, à une allure folle. Shohei s’était déclaré à la jeune fille. Mais elle … Elle ne s’était pas pour autant déclarée à lui, puisqu’elle ne ressentait rien pour lui. Rien d’aussi fort. Réellement ? Mais la Missy avait découvert qu’elle éprouvait quelque chose de spécial à son égard. Elle désirait ardemment qu’il reste à ses côtés et encore une fois, ce désir fou de possession exclusive. Mais unie, oui, mais pas de la même façon qu’Okamoto pour Hina. Qu’était-ce alors ?

Yuriko savait qu’au point où avait commencé leur discussion, les deux amies ne ressortiraient pas de la pièce sans s’être affrontée. Mais au final, qui en ressortirait vainqueur ? Au fond d’elle, la Missy avait peur de la réponse de son amie. Elle savait qu’Hina ne reculait devant rien quand elle était amoureuse.

Yuriko n'avait pas bougé du canapé. Elle avait simplement tourné un regard noir vers Hina le temps d'une seconde. Celle-ci ne fit rien et resta là, face à son amie en attendant ses foudres.

~ Tu me demandes beaucoup, Hina. Ne pas m’inquiéter pour toi ? Comme si c’était possible. Avec Okamoto qui plus est. ~

Hina savait parfaitement que la raison invoquée par Yuriko n'était pas purement égoïste. Son amie se souciait d'elle. Oui, Yuriko Chizumu n'était pas seulement froide et sévère, elle était protectrice lorsqu'il s'agissait de ses deux amies. Et en cette instant, la froideur qui se dégageait d'elle en était le pur reflet. Il était sûr que Yuriko ne voulait que le bien d'Hina. Sans cela, elle ne se risquerait pas à s'interposer entre la Missy et Yutaro. Mais...

~ Redescends sur terre Hina. Voyons, nous parlons d’Okamoto Yutaro, le Rokou Takara qui aime jouer avec les autres. Hina, ne me fais pas croire que tu es aussi ignorante et naïve que ça, pour te laisser berner. ~

La Missy s'était à présent levée et continuait de fixer Hina d'un regard pénétrant, presque destructeur. Ses paroles avaient été blessantes, incompréhensives. Yuriko ne voyait-elle en le Takara qu'un homme prêt à jouer avec n'importe qui dans le seul but de s'amuser ? Certes, la première image qu'il donnait à n'importe qui n'était pas vraiment attentionnée et aimante... mais Hina avait découvert en lui une faiblesse, une solitude qu'elle voulait et devait combler. Cela, Yuriko ne pouvait pas le savoir mais Hina ne souhaitait pas lui en parler. Cette facette de Yutaro était une confidence entre eux, un secret que la Missy ne voulait pas partager. En dépit des bonnes intentions de Yuriko qui ne souhaitait que le bonheur d'Hina, cette dernière ne voyait justement plus ce bonheur sans le Takara. Ni sans les Missys. Hina se rendit alors compte qu'elle était arrivée à un point de rupture.

~ Si je comprends... tu me demandes de faire un choix entre lui ou toi ? ~

Sa question avait été brusque mais réflétait parfaitement ses pensées. Ce fut alors à Hina de jeter un regard sombre à son amie. A trop vouloir la protéger, Yuriko finissait par l'etouffer... Les yeux de la Missy fixèrent ceux de la jeune fille résolumment.

~ Yuriko, tu sais très bien que je ne referai plus les mêmes erreurs. Yutaro n'est pas comme tu le crois.
Et puis... ~

Hina allait se faire piquante et elle le savait. Cependant, c'etait là le seul moyen de raisonner Yuriko et lui faire comprendre qu'elle n'avait pas à se mêler de cette histoire. Se mordant imperceptiblement la lèvre, Hina enchaina d'une voix basse mais determinée :

~ ... tu connais ça n'est ce pas ? Ce choix entre devoir et désir. Quitte à faire du mal à Shohei, tu penses simplement à ta propre conscience. Laisse ton coeur faire ce choix là, au moins pour une fois. ~

La Missy se savait directe et franche. Mais elle ne voulait plus passer par quatre chemins. C'était à elle de mener sa vie, malgré la surprotection de Yuriko. Si il advenait que son amie ait raison par la suite, alors elle l'admettrait. Elle assumerait son choix, sans avoir cherché à fuir. Quant à Shohei, Hina pensait ce qu'elle disait. Elle avait remarqué qu'entre ces deux là, tout s'était accéléré. Il n'avait fallu qu'un regard de la jeune fille pour comprendre le sentiment de Shohei brisé face à la froideur de Yuriko.

Les deux amies s’observèrent, étudiant les moindres gestes de l’autre. Hina répondit au regard agressif de Yuriko, par un regard foudroyant. Elle savait qu’elle venait de toucher le point sensible : dire d’Okamoto qu’il n’est qu’un profiteur. Parce qu’au fond, la Missy comprenait le Trésor. Etant elle-même comme ça, elle ne pouvait pas s’imaginer un Okamoto passionné, un Okamoto comme … Shohei.

« - Si je comprends... tu me demandes de faire un choix entre lui ou toi ? »

Hina avait pris ce ton et cette attitude si sérieuse, que Yuriko lui connaissait si bien. Celle qu’elle prenait quand un sujet lui tenait à cœur. La jeune fille était donc si amoureuse du Trésor que ça ? Yuriko voyait bien que son amie prenait son histoire avec Okamoto très au sérieux. La jeune fille s’en mordit la lèvre inférieure. Elle n’aimait pas la tournure que prenait le comportement de son amie.

Yuriko redoutait ce qu’Hina appelait un choix. Elle savait très bien qui son amie pouvait bien choisir. Elle détestait ce comportement. Elle avait horreur de ce qu’allait dire son amie. Elle ne supporterait pas de perdre Hina. Et pourtant, petit à petit, au fur et à mesure que le temps passait, il lui semblait de plus en plus écrasant qu’Hina ne tarderait pas à se détacher d’elle.

Hina savait pertinemment ce que Yuriko reprochait à Okamoto. C’était sa ressemblance si frappante avec elle. Les deux jeunes gens adoptaient le même type de comportement sournois, supérieur et joueur avec les autres, leurs victimes, leurs souris, leur passe-temps.

« - Yuriko, tu sais très bien que je ne referai plus les mêmes erreurs. Yutaro n'est pas comme tu le crois. Et puis... »

Yuriko ne lâchait toujours pas Hina des yeux. Que voulait-elle dire qui l’a soudainement retenu ? La jeune fille ne présageait rien de bon. Elle savait pertinemment que son amie riposterait, qu’elle ne la laisserait pas détruire son histoire d’amour avec son Prince. Intérieurement, la Missy attendait de voir cette Hina Satomi combative. Mais elle s’attaquait à la mauvaise personne. C’est ce que pensait la jeune fille aux yeux clairs.

« - ... tu connais ça n'est ce pas ? Ce choix entre devoir et désir. Quitte à faire du mal à Shohei, tu penses simplement à ta propre conscience. Laisse ton cœur faire ce choix là, au moins pour une fois. »

Yuriko foudroya littéralement son amie du regard et serra le poing. Hina osait s’attaquer à elle par les moyens les plus lâches. Cette même attitude, vile et cruelle, qu’adoptait Okamoto avec les autres. Ce jeu constant avec les sentiments des autres. Sans s’en rendre compte, elle avait amené le Trésor Shohei Kimura dans ses filets et elle en payait le prix. Pour la première fois, Yuriko se détestait. Pour la première fois, elle sentait la souffrance qu’elle faisait naitre dans le cœur d’un autre. Pour la première fois, elle se surprenait à éprouver des sentiments pour une autre personne qu’elle. La cruelle égoïste attachait de l’importance à l’un des ses jouets.

Hina voulait retourner la situation à son avantage. Lui faire comprendre sa propre situation en l’associant à la sienne. Yuriko se doutait bien que son amie avait compris le regard furtif qu’ils s’étaient échangés, quelques instants plus tôt. Mais Hina ne pouvait rien savoir de ce qu’il s’était passé entre eux. Avait-elle seulement envie, à présent, de lui révéler la douloureuse conclusion que Shohei ne serait jamais ce qu’Okamoto était pour Hina ?

Hina n’avait pas que renversé la situation. Elle avait mis le doigt sur ce que Yuriko détestait le plus en elle : l’égoïsme. Son amie le lui avait dit de manière si crue, que le cœur de la jeune fille se serra. Elle savait qu’Hina ne reculerait pas devant quelques coups de couteaux pour arriver à ses fins. Elle savait la jeune fille fragile. Mais elle savait qu’en de tels moments, elle pouvait se montrer aussi cruelle que Yuriko.

« - Pour qui te prends-tu pour me donner des leçons ? Le ton glacé de Yuriko lui fit serrer les poings encore plus forts. Je ne pense qu’à moi, ça ne t’as jamais dérangé que je sache ! Je ne suis pas comme toi, ne me confonds surtout pas à tes sentiments à l’eau de rose. Tu vis et tu continues à vivre dans un conte. »

Yuriko en avait par-dessus la tête. Elle en avait assez d’essayer de raisonner son amie. Elle restait coincée dans son nuage, bien décidée à ne pas en redescendre. Soit. Qu’elle y reste. Mais qu’elle ne vienne pas pleurer dans ses bras quand le pire arrivera. Qu’elle ne vienne pas demander à Yuriko de recoller les morceaux éparpillés de son cœur réduits à néant.

« - Tu veux que je te remettes les images de ton ancienne histoire d’amour en tête, peut-être ? Okamoto ? Pas pareil ? Laisse-moi rire, tous les hommes sont pareils ! Attends-toi à être jeter, une fois que tu auras bien servie ! »

Yuriko crachait ses paroles plus qu’elle ne les criait. L’allusion à Shohei, l’inconscience délibérée d’Hina l’avaient fait sortir de ses gonds. La jeune fille ne supportait pas l’état vaseux et rêveur dans lequel était Hina. Quand elle était comme ça, elle n’écoutait plus rien. De plus, elle savait pertinemment qu’elle blessait Shohei. Elle avait vu ses yeux se poser sur elle. Elle ne pouvait que se rendre compte avec quelle cruauté elle se comportait à son égard. Elle n’avait pas besoin qu’Hina remue le couteau dans la plaie.

Harassée de cette conversation, Yuriko décida d’en terminer.

« - Tu parles de choix. Mais un choix reste-t-il tel, si tu as déjà arrêté ta décision ? Ne me la fais pas à moi, Hina. Tu as déjà choisi Okamoto à tes amies. Soit. Fais comme tu l’entends. Mais si tu franchis cette porte, ne compte plus sur ton statut de Three Missys. On se passera de toi. »

Là-dessus, Yuriko plongea une dernière fois ses yeux sévères dans ceux d’Hina Satomi. Puis elle pivota et tourna lui tourna le dos.

Les regards que s'échangeaient les Missys étaient aussi vifs que des éclairs. Alors que les deux jeunes filles ne bougeaient plus, Yuriko répondit d'une voix mordante, glaciale :

~ Pour qui te prends-tu pour me donner des leçons ? Je ne pense qu’à moi, ça ne t’as jamais dérangé que je sache ! Je ne suis pas comme toi, ne me confonds surtout pas à tes sentiments à l’eau de rose. Tu vis et tu continues à vivre dans un conte. ~

Le monde semblait s'écrouler sur Hina. Et par le monde, elle entendait là Yuriko. Celle qu'elle estimait, adorait lui faisait les reproches les plus cruels et l'attaquait sur son sujet le plus sensible. Hina ne souhaitait pas lui donner de leçon. Elle voulait lui ouvrir les yeux sur ses sentiments pour Shohei. Mais comme elle s'y attendait, Yuriko se battait indeffiniment contre elle-même et contre ses réelles envies.

Un conte ? Hina trouvait elle-même son récent amour pour Yutaro bien digne d'un conte de fée, mais c'était ainsi. Il n'empêche que ses sentiments étaient réels, tout comme ceux du Takara à ce qu'il prétendait. Et conte ou pas, cela leur suffisait... à la condition que personne ne s'occupe d'eux et les laisse vivre en paix. Alors qu'Hina ne répondait pas, Yuriko poursuivit de sa voix méprisante :

~ Tu veux que je te remettes les images de ton ancienne histoire d’amour en tête, peut-être ? Okamoto ? Pas pareil ? Laisse-moi rire, tous les hommes sont pareils ! Attends-toi à être jetée, une fois que tu auras bien servi ! ~

Coup de poignard... Hina se retint de toutes ses forces pour ne pas laisser des larmes dévaller la pente de ses joues. Comment... comment Yuriko, son " amie " avait pu se permettre de telles paroles ? Elle avait ranimée, sans coeur et violemment les démons qui hantaient la Missy. Lui, elle, l'enfant, eux, Hina... Hina... la rupture, l'abandon, le passé... tout. Trop effondrée pour rétorquer quoi que ce soit, la jeune fille ne pouvait que se contenter d'encrer ses pieds dans le sol au point de s'en briser les os. A ce moment, elle avait presque envie de se jetter sur Yuriko. Les yeux d'Hina bouillonnaient de rage et de douleur. Jamais, jamais elle n'avait été rabaissée et considérée aussi bas. Si Yutaro ne la prenait que pour cela, pour une fille " bonne à jeter ", alors c'était tant pis. Comme le disait Yuriko, c'était ce qu'avait fait son précédent petit ami. Alors une fois de plus... Mais elle en serait détruite. Yuriko ne conaissait rien des évènements, rien. Elle n'avait jamais connu l'abandon, la douleur. Elle n'avait pas connu cette renaissance qu'éprouvait Hina grâce à Yutaro. Tout cela, tout cet espoir, elle le balayait de paroles cruelles et sans pitié.

Hina, en se mordant la lèvre inferieure, manqua d'en saigner. Elle ne souhaitait qu'une chose. Que la Missy en face d'elle se taise, parte, la laisse tranquille. Hina ne le supportait plus et se trouvait désabusée par l'attitude de Yuriko qu'elle n'aurait jamais cru capable de lui parler ainsi. La Missy termina d'ailleurs d'une voix tout aussi crachée :

~ Tu parles de choix. Mais un choix reste-t-il tel, si tu as déjà arrêté ta décision ? Ne me la fais pas à moi, Hina. Tu as déjà choisi Okamoto à tes amies. Soit. Fais comme tu l’entends. Mais si tu franchis cette porte, ne compte plus sur ton statut de Three Missys. On se passera de toi. ~

Ce furent les mots qui achevèrent Hina. Yuriko ne comprenait pas... elle ne comprenait pas. Hina se mit à respirer bruyamment, comme si elle tentait d'évacuer ce profond ressentiment qui montait en elle. Ainsi, la Missy n'avait plus le choix. Elle se devait de choisir. Après un moment de silence interminable, Hina releva la tête et fixa Yuriko d'un air résigné.

~ Puisque tu le demandes, soi-disant pour mon bien, je fais ce choix. Je renonce aux Missys, sans pour autant renoncer à mes amies. Je sais qu'au fond de toi, tu comprends. Et si ce n'est pas le cas, tu ne pourras en aucun cas m'enlever Hanako. Je ne viendrai pas pleurer à tes pieds si ce que tu penses arrivera. ~

Hina tourna le dos à la Missy et s'approcha de la porte. En faisant pivoter la poignée, elle déclara d'une voix determinée :

~ De nous deux, je pense être la plus franche envers moi-même. Je ne me mens pas. Je suis réaliste, Yuriko. C'est toi qui vis dans ton monde et tes remords alors que quelqu'un attend juste que tu lui cèdes ton coeur. ~

Hina posa une dernière fois les yeux sur le dos de celle qui l'avait poussé à ses derniers retranchements. D'une voix posée, elle termina :

~ Tu sais... Arrête de te torturer toi-même. Tu te fais du mal, et tu fais subir ta souffrance à Shohei. La différence est là entre toi et moi. Je vis peut-être dans un conte, mais je ne mens à personne, et surtout pas à moi. Si je dois choisir entre les apparences et Yutaro, je n'hésiterai pas une seule seconde. Tu ignores trop de choses de lui pour nous juger. Tu le sais. Alors laisse moi vivre sans avoir à rendre de compte à personne. ~

Sur ces paroles prononcées calmement, Hina détourna la tête et quitta la salle, fermant la porte derrière elle d'un léger claquement. Elle riva un instant ses yeux vers le mur en face d'elle, en proie à ces brusques évènements. En l'espace de quelques minutes, elle avait retourné la situation et s'était considérablement froissée avec l'une de ses meilleures amies. Au fond, Hina savait pertinemment que Yuriko avait prononcé ces paroles pour lui faire ouvrir les yeux et pour se cacher elle même de sa souffrance. Yuriko voulait se déculpabiliser. Pour cela, Hina lui en voulait. Elle-même s'était toujours relevée, avait affronté ses douleurs, alors que Yuriko ne cherchait qu'à reculer en rejettant Shohei. Finalement, la Missy rebroussa chemin, ses talons raisonnant dans le couloir comme au départ... Si Yuriko l'avait repoussé des Missys, Hina n'en restait pas moins à la fois douce et autoritaire. Son allure était reconnue par les élèves, et cela, la jeune fille ne pouvait s'en défaire. Pour l'instant.

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